L’univers est un endroit flou et désorganisé dans lequel les êtres
disposés à la réflexion se perdent continuellement. Les flux
d’existences coulent dans l’air en se superposant les uns aux autres à
la manière de briques lourdes et uniformes. Dans les rues, la foule se
déplace de manière compacte, sans faille à sa monotonie et à sa
conformité. Par delà ces contours trop bien dessinés circule un
quotidien lent aux contrastes effacés. Au cœur de ce glacier civilisé,
des êtres au singulier se lamentent en grattant les murs de la prison
transparente qui les étouffe. Derrière les éraflures et les éclats, une
anarchie subtilement esthétique, accompagnée d’une intensité de chaleur
enivrante, ainsi qu’une folie expérimentale et captivante. Les prisonniers se
perdent dans les couleurs et se brûlent dans les ardeurs. Jamais
rassasiés, ils s’exaltent de la beauté furtive et osent tenter de
capturer l’éphémère. L’art devient un condensé de sensations dans lequel
ils aiment se noyer. L’ennui et la réalité sont des poisons que les
jours renouvellent, mais les frivolités et les caprices toujours plus
acharnés brisent leurs particules trop resserrées.
rachel